25 janv. 2008

à plus



une pause dans ce blog. à plus, ici ou là, ou encore là-bas...

17 janv. 2008

La nausée

On avait déjà eu droit au discours de Latran soufflé par Gaino et Gallo : « Les racines de la France sont essentiellement chrétiennes. J'assume pleinement le passé de la France et ce lien particulier qui a si longtemps uni notre nation à l'Eglise », où le mari de Carla Bruni n’avait pas hésité à évoquer les "souffrances" infligées au clergé par la loi de séparation des Eglises et de l'Etat de 1905 (expulsion des congrégations, querelle des inventaires). Pour lui l'interprétation aujourd'hui consensuelle de la loi de 1905 relève d'une « reconstruction rétrospective ». Il en avait alors profité pour balancer le concept fumeux de « laïcité positive », face à une laïcité « épuisée » et menacée par « le fanatisme », jugeant qu’il était dans l'intérêt de la République d'avoir « beaucoup d'hommes et de femmes » qui « croient » et qui « espèrent », le tout agrémenté de termes qui caressent toujours facilement les bigots dans le sens du poil : « morale », « valeurs », « transcendance », « sacrifices », blah blah blah.


Maintenant, à Ryad, c’est l'héritage « civilisateur » des religions et, carrément, les « racines religieuses » du monde qui sont exaltés : « Dans le fond de chaque civilisation, il y a quelque chose de religieux », « c'est peut-être dans le religieux que ce qu'il y a d'universel dans les civilisations est le plus fort ». Un vrai sermon on vous dit : « Dieu qui n'asservit pas l'homme mais qui le libère », « Dieu transcendant qui est dans la pensée et dans le coeur de chaque homme », « Dieu qui est le rempart contre l'orgueil démesuré et la folie des hommes », Dieu, toujours Lui, dont le message, le Pauvre, a « souvent été dénaturé ».


Stop, basta, n’en jetez plus !

Cependant, passée la nausée, il ne faudrait pas trop s’étonner de tels propos.


Rappelons-nous qu’en plein débat sur les signes religieux à l’école publique, le pote à Bolloré était pour « réaménager » ou « moderniser », je ne me rappelle plus du terme, la trop fameuse loi de 1905. Idéologiquement, le nabot de Neuilly se place dans une continuité, celle de la Droite Libérale (d’où viennent aussi Raffarin et de gros poissons de l’UMP), DL farouchement anti-laïque au début du XXème siècle. Le cynisme c’est qu’ils ont mené en 2003 LEUR croisade pour la laïcité, mais une laïcité détournée en nationalisme foireux et méfiance vis-à-vis des musulmans (et qui en passant a servi à quelque peu éclipser le débat sur les retraites). Et s’ils avaient pu de surcroît retoucher la loi de 1905, ils ne se seraient pas gênés. Mais c’était encore un peu trop tôt, et pour cela il fallait les pleins pouvoirs. Aujourd’hui l’ex de Cécilia les a, et comment.


Mais je voudrais également en profiter pour rappeler autre chose : que plus de trente ans avant 1905, un gouvernement français avait déjà décrété, de manière on ne peut plus tranchée, la séparation de l’Eglise et l’Etat. Eh oui, on l’oublie trop souvent, mais la loi de 1905 a volé la vedette au texte du PREMIER décret pris, et voté A L'UNANIMITE, par la Commune de Paris en 1871.

Ce texte, le voici :


- 2 avril 1871 -

La Commune de Paris

Considérant que le premier des principes de la République française est la liberté

Considérant que la liberté de conscience est la première des libertés

Considérant que le clergé a été le complice des crimes de la monarchie contre la Liberté

DECRETE

Article 1 : L'Eglise est séparée de l'Etat.

Article 2 : Le budget des cultes est supprimé

Article 3 : Les biens dits de mainmorte, appartenant aux congrégations religieuses, sont déclarés propriété nationale.

Article 4 : Une enquête sera faite immédiatement sur ces biens, pour en constater la nature et les mettre à la disposition de la nation.


Bien entendu ce texte, comme d’autres et plus généralement beaucoup de ce qui a trait à la Commune, a été patiemment escamoté des mémoires. C’est que les motivations de l’adoption de textes qui vont pourtant dans le même sens sont bien différentes. La Commune est clairement internationaliste, par exemple. De ses représentants, plusieurs sont étrangers (allemands, polonais) et si elle supprime les insignes religieux et les prières à l’école publique, elle ne vise aucune communauté en particulier. Encore moins de visée ethnique implicite. On connaît la fin de la Commune et la répression dont elle fit l’objet.


En 1905 le contexte est différent. Sous la pression de l’opinion publique, la IIIe République a déjà laïcisé nombre d’hôpitaux, hospices et cimetières, l’Affaire Dreyfus est passée par là et l’Eglise catholique, à travers sa presse et par la voix de certains de ses prêtres, s’y est distinguée par ses prises de position ignobles. Je ne souhaite pas refaire "l’Affaire" mais je dis simplement que la séparation de l’Eglise et de l’Etat devait se faire, c’était certainement pas complètement "dans l’air du temps", mais c’était une concession minimum à faire d’un côté par la classe dirigeante (en mutation), pour resserrer de l’autre. C’est comme, je l'ai déjà dit, quand on nous ressasse que Mitterrand, dans son Infinie Bonté, a aboli la peine de mort. Là encore, même si l’opinion restait certes divisée sur le sujet, c’était plus ou moins inéluctable, ce serait le contraire, qu’elle n’ait pas été abolie, qui aurait été étonnant.


Bref, comme on va reparler de laïcité ces jours-ci (vous allez voir qu'on va nous marteler qu'il n'est pas question, pour l'instant, d'y toucher, qu'elle est "sacrée", etc.), je souhaitais replacer tout cela dans une perspective historique et essayer de montrer à quel point l'héritier de Pasqua, baptisé catho et trimbalé d’école privée du XVIIème en école privée à Neuilly-sur-Seine, a de la suite dans les idées (même si je sais que vous n'en doutiez pas) et comment, entre mise en scène people et annonces populistes non suivies d'effets, rien, dans tout cela, n'est laissé au hasard.


En effet, la contradiction n'est qu'apparente entre d'une part l'exaltation des valeurs chrétiennes qui participe de cet alignement stratégique et idéologique sur l'Amérique des néo-conservateurs dans leur croisade contre les "infidèles" (et à la pêche à ce qu'il reste de pétrole), et, d'autre part, la défense de la laïcité de 1905. C'est que cette défense de la laïcité "à la française" est, on l'a vu, nettement partisane en réalité. Car sur ce deuxième point il s'agit ni plus ni moins que d'un détournement de l'héritage révolutionnaire, de cette laïcité à la communarde qui n'était en aucun cas un slogan chauviniste, mais bien liée à l'image de l'Eglise catholique comme étant un des principaux soutiens institutionnels des forces réactionnaires et à l'idée que les intérêts de la classe ouvrière exigeaient que l'Eglise soit écartée des affaires de l'Etat ainsi que des écoles. Cette conception était intimement liée aux luttes sociales des dernières années du XIXème siècle, mais cela bien entendu (de même que tout ce qui a trait, au-delà du folklore, à mai 68) a été totalement effacé au profit de la stigmatisation des musulmans (et la création du CFCM n'est qu'une manière de plus de les contrôler), et plus généralement des arabes (entre autres), systématiquement confondus, justement, avec les musulmans.


Pas de doutes, l'actuel chanoine d'honneur de Saint-Jean-de-Latran s'y connaît en « reconstruction rétrospective ». Cette nouvelle variante de la laïcité, « positive », participe d'une vaste entreprise de reconstruction d'une "nouvelle" idée de l'identité dite nationale, qu'il voudrait commune. En notre nom. Contre notre gré. La nausée, décidemment.


DE CES NOTES PRISES DANS LES MARGES DES LIVRES ET D'AUTRES CHOSES ENCORE...