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Qu’il y ait une injustice à ne pas considérer l’imagination comme la reine des facultés mentales, c’est ce que prouve la conscience aiguë qu’a l’homme imaginatif du fait que ladite faculté conduit souvent son âme jusqu’à l’aperçu de choses surnaturelles et éternelles – jusqu’à l’extrême limite des grands secrets. En effet, il arrive à sentir par moments les parfums diffus et à entendre les mélodies d’un monde plus heureux. Quelques-unes des connaissances les plus profondes – peut-être toutes les connaissances très profondes – ont été le fruit d’une imagination hautement stimulée. Les grands intellects devinent avec justesse. Les lois de Kepler ont été, de son propre aveu, devinées [2].
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La perception intuitive, apparemment fortuite, par laquelle nous accédons bien souvent à la connaissance, au moment où la raison faiblit, abdiquant tout effort, est assez semblable au coup d’œil jeté furtivement vers une étoile, par lequel nous la voyons plus clairement que si nous dirigions notre point de vue en plein sur elle ; ou bien encore, à la façon dont nous gardons les yeux mi-clos, à la vue d’un gazon, pour en apprécier plus pleinement l’intensité du vert [3].
Edgar Allan Poe
Extrait de Marginalia, ouvrage déjà cité ici (Allia, trad. et notes L. Menasché)
[1] Le même sujet est traité par Poe dans quelques nouvelles somnambuliques : Révélation magnétique, La Vérité sur le cas de M. Valdemar, et surtout Colloque entre Monos et Una. Son poème Pour Annie s’inscrit dans une veine comparable.
[2] Johannes Kepler (1571-1630), astronome allemand. L’idée est chère à Poe et sera reprise dans Eurêka.
[3] Cette idée figure, avec quelques modifications, dans Le Double Assassinat dans la rue Morgue ; et sera plus amplement développée dans Colloque entre Monos et Una.