24 mars 2007

RAFLES AGAIN

Ces jours-ci, alors que l’on apprend que des policiers ont interpellé dans un café parisien le grand-père chinois et "sans-papiers" d’enfants scolarisés dans le groupe scolaire (Rampal, Paris XIXe) du coin et que ces mêmes policiers n'ont pas hésité à sortir la matraque et les gaz lacrymogènes pour disperser les parents (et les enfants) qui s’opposaient à cette interpellation, il convient de revenir sur ces pratiques et le dispositif qui les légitime, d’autant que les exemples ne manquent pas, même si la plupart échappent aux feux des media.

Dans le cas de cette école, ajoutons que les forces de l'ordre ont également lâché deux chiens (muselés) sur la foule et que la BAC a été appelée en renfort. La directrice de l’école maternelle qui avait rouvert ses portes pour mettre les élèves à l'abri a elle-même reçu du gaz en tentant de s'interposer. Elle a du reste été placée plus de cinq heures en garde à vue au commissariat Erik Satie pour «outrage et dégradation de biens public en réunion» (garde à vue jugée aujourd’hui « légitime » par le parquet de Paris, tout comme l'intervention de la police sur les lieux).

Selon un parent d’élève témoin des incidents de mardi, «Lundi soir, il y avait déjà eu une tentative d’arrestation devant l’école maternelle Rampal d’une dame venue chercher sa petite fille et les parents du quartier en avaient été choqués».
«J'ai un fils de cinq ans. Il est terrorisé», «C'était d'une extrême violence, racontent des mères, il y a des enfants qui pleurent encore aujourd'hui.»

Devant une autre école, au 77 boulevard de Belleville, jeudi matin rentrée des classes, plus de deux cents parents ont dénoncé la traque des étrangers aux abords des établissements scolaires.

«Réquisitions de contrôle d'identité» il appelle ça, le procureur adjoint au parquet de Paris.

Le 10/02/2007 @ 13:18, ailleurs, je postais :

« Peut-on parler de "rafles" en France en 2007 ? Pour ma part il y a longtemps que je ne me gène pas.

Dans son article Du poulet aux Restos du cœur, le Canard de cette semaine revient sur l’arrestation, le 30 janvier place de la République à Paris, de 21 "sans-papiers" qui ont eu l’imprudence de vouloir prendre un repas chaud aux Restos du cœur.

L’occasion était trop belle de faire encore un peu de chiffre dans les semaines qui restent au premier flic de France, pas vrai ? Bien entendu la Préfecture de police de Paris parle de hasard malheureux, pure coïncidence, simple opération de routine etc. etc. Les pandores, qui ont progressivement resserré l’étau, cachés derrière des cars de touristes garés autour de la place, après avoir bloqué les accès au métro au cas où, affirment qu’ils ignoraient tout des activités de l’association sur la place ce jour-là. Etrange, quand tout le monde sait que 400 repas y sont distribués les mardi, jeudi et samedi soirs depuis plus de dix ans… D’ailleurs, pour effectuer ces contrôles d’identité massifs à tel lieu telle heure, c’est la même Préfecture qui chaque semaine demande au procureur de la République (encore elle) de lui en délivrer l’autorisation. Saleté de mauvaise foi, quand tu les tiens…

Même le très loyal Parisien a osé titrer, en y mettant tout de même les guillemets : La «rafle» de République fait des remous (2/02), tandis que Libé du même jour préférait : 21 sans-papiers ont eu le tort d’être affamés.

Pour rappel, je remets plus bas un lien vers une synthèse, rédigée par un correspondant au printemps dernier, de l’odieuse circulaire Sarkozy du 21 février 2006 qui autorise les contrôles à la sortie des écoles, au domicile, au guichet des préfectures et jusque dans les hôpitaux et qui, après avoir scandalisé le monde associatif puis ému l’opinion publique, avait donné lieu à l’autre circulaire permettant quelques régularisations au cas par cas pour les familles ayant des enfants mineurs scolarisés, suite à l’action de RESF et à la mobilisation que l’on sait. Cependant, ainsi que le montre cet épisode d’il y a quelques jours à Répu, pour les célibataires qui ont faim, rien n’est joué, loin de là… »

Chiens, matraques, gaz, individus brutalisés, enfants terrorisés, pauvres embarqués la cuillère à la main, et il faudrait encore qu'on y mette les formes pour parler d'intentions et de pratiques dégueulasses, alors qu'Arno Klarsfeld assurait sur France Intox que «la France est un pays fantastique» et que rue Rampal tout s'était déroulé «dans les règles»?

* la synthèse AZB

* le texte complet de la circulaire sur les « Conditions de l'interpellation d'un étranger en situation irrégulière, garde à vue de l'étranger, réponses pénales ».

* une autre synthèse bien foutue

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Tout n'est pas perdu :
C'est quand même encourageant de voir le mouvement de contestation immédiat ,la réaction des parents et des enseignants qui se sont opposés aux forces de l'ordre ;
ça donne un peu d'espoir ...
Toutes ces méthodes répressives doivent être exposées au grand jour;
Pour que ceux qui cautionnent cette politique ne puissent pas dire qu'ils ne savaient pas .

edgar a dit…

Tout n'est pas perdu, non. Et les dirigeants ont toujours tort de sous-estimer les réactions des populations, fussent-elles ponctuelles. Mais il faut quand même remarquer que cette réactivité (exemplaire), c'est aussi parce qu'il y a des enfants en jeu, parce que là on voit bien que trop c'est trop. Pour autant, il s'agit de ne pas oublier toutes les autres interpellations, à la sauvette, celles de travailleurs migrants isolés par exemple, ces "fantômes" que beaucoup préfèrent ne pas voir, alors qu'ils font eux aussi tourner la machine, et comment.

Rappel des objectifs fixés par l'Intérieur: 15 000 expulsions en 2004, 20 000 en 2005, 25 000 en 2006, 28 000 pour 2007.

On le sait, il faut faire du chiffre, le ministre-candidat le disait encore devant les préfets, place Beauvau le 29 septembre 2006 : « Je vous ai fixé un objectif de 25 000 éloignements cette année. Je constate que, lors des huit premiers mois, 14 304 étrangers ont été reconduits dans leur pays, auxquels s’ajoutent 650 retours volontaires aidés. C’est insuffisant puisque, à ce rythme, nous n’atteindrons pas les objectifs. Je ne sous-estime pas vos difficultés mais on voit bien que les résultats sont très variables d’un département à l’autre. Il est impératif que vous mobilisiez plus encore vos services. Claude Guéant [directeur de cabinet] réunira cet après-midi ceux d’entre vous dont les résultats ne sont pas suffisants »
voir lien

DE CES NOTES PRISES DANS LES MARGES DES LIVRES ET D'AUTRES CHOSES ENCORE...