2 oct. 2007

« Une poche de nuit est en nous »

Gisèle Prassinos, née en 1920 à Istanbul – à l’époque Constantinople –, est poète et plasticienne. Elle a publié dès l’âge de quatorze ans dans la revue Documents 34. Elle a aussi écrit des nouvelles et des romans, dont le très beau Le visage effleuré de peine et Brelin le frou.



Tout sent la noisette ici
Je le sais et je sais aussi
Qu’il y a une table
Et un chien qui se pâment
Comme moi tout est beau ici
Et je vois dans un coin
Entre les fils entremêlés du soir
Une ombre et un chameau
Qui craquent
Pour savoir combien il y a d’heures
Ici j’ai parlé et là je me suis tuée
Et après quand j’ai passé par
Le petit endroit du couloir
Quelqu’un m’a enterrée
Et alors seulement après tant de folies
J’ai compris qu’il y avait des tigres ici
Qu’il y avait aussi des cheveux
Et que la mort et ses yeux ont disparu.





Parmi les fleurs ton cœur a germé
Ainsi qu’un démon des plumes centrales
Et plus tard
Entente certaine
Plus tard très tard dans un lieu sûr
Je t’enlèverai les narines pour que tu sois belle
Très belle
On disait oui
Mais quand mon être vieux et lent
Très veineux et presque maigre
Mais naturellement
Nous irons là
Si vieux qu’il peinait si fort
J’ai chanté avec toi
L’éternelle.



La Lutte Double (G.L.M., 1938).





VIENS SUR MOI…


Viens sur moi sans tes genoux vides
Essaie sans tes doigts que je baise
D’ouvrir ce petit lit lourd de blancheur.
J’y ai mis de la braise.
Un souffle chaud de ceux qu’on trouve à la campagne
L’occupe et nous le fait aimer.
Le matin y plonge sans cesse
Avec des fleurs et du papier d’argent
On sent sous la toile une odeur de bois coupé
Qui monte dans la tête de ceux qui le regardent.
Ecoute-moi ne t’amuse pas à me lancer loin de toi
Admire un peu un objet
Que j’ai confectionné avec ma peau et mon corps engourdi.





LA RIVIÈRE ET LA FLEUR


La rivière et la fleur sont des femelles
Tandis que tes cheveux sont beaux.
J’aime les cheveux et la toile est plus belle
Et plus beaux encore sont les animaux.
Il y a dans tes bras quelque chose qui a des moustaches
Un nez des yeux et quelquefois une queue.
Mais puisque tu ne veux pas me prendre
Tu es très satisfaite.


Facilité Crépusculaire (Debresse, 1937).


5 commentaires:

Anonyme a dit…

Je n'accroche pas avec l'écriture automatique ...
celle-ci particulièrement,
ce n'est pas que le sens m'échappe( en fait , il m'échappe en partie, mais c'est pas ça qui me gêne ) mais je ne ressens aucune émotion , je n'y entends aucune musicalité , je ne suis pas réceptive à la rudesse de ces mots ...
est-ce un défaut d'éducation de l'oreille ou de l'esprit ?
ou bien un caractère trop rationnel qui m'empêche de lâcher prise sur la recherche du sens à capter ?
une sensibilité qui du même coup s'en trouve engourdie , faute de s'être d'emblée laissée entraîner par une vague d'émotion ?

bon que ces poèmes aient été écrits à l'âge de 15 ans me laisse perplexe ...j'en suis émue !
ça sera au moins ça !

edgar a dit…

je sais pas... c'est tellement difficile de parler de poésie! de ce qui s'empare de nous (ou non) à la lecture... en tous cas, pour en rester à l'oreille, je trouve ces poèmes extrêmement musicaux, mais heurtés c'est vrai. Un cocktail réussi de rudesse et de douceur il me semble. Il en existe d'autres, je ne suis pas plus fan que ça de l'écriture automatique, qui a rapidement montré ses limites aussi, aux dires mêmes de ses adeptes et pratiquants assidus.

Dionysiaque, apollinien, pour reprendre ces catégories? peu importe, c'est le résultat qui compte. Rimbaud ET Mallarmé.

Anonyme a dit…

bon, ben si même toi tu sais pas ...
j'ai poussé la barre un peu loin dans mon commentaire , un peu comme si je me défendais d' y trouver un quelconque plaisir que je n'aurais su justifier ...
tu sais ? j'ai lu des trucs que j'aime bien en écriture automatique ,
ici même, non ? ou alors pas très loin !
décidément , tu en reviens à tes débuts ..
et puis Rimbaud, Mallarmé ..à nouveau Edgar Poe ??
ah , j'oubliais de Nerval ...
le romantisme est dyonisiaque , non ?

edgar a dit…

tu ne croyais pas si bien dire !

Anonyme a dit…

Tout est dans "la perception intuitive" ...

DE CES NOTES PRISES DANS LES MARGES DES LIVRES ET D'AUTRES CHOSES ENCORE...