A l'heure où N. Hulot la ramène encore (rassemblement ce dimanche au Trocadéro) avec son pacte et la création d'un poste de vice-Premier ministre chargé du Développement durable, j’ai choisi de vous proposer la (re)lecture de déclarations de quelques grands chefs du capitalisme. Elles sont toutes tirées de:
DEVELOPPEMENT DURABLE : 21 PATRONS S'ENGAGENT
Delaporte Pierre ; Follenfant Teddy ; Paris : Cherche Midi , 2002, 225 p.
Sur le très sérieux site de l'Association Réalités et Relations Internationales – ARRI, j’ai trouvé les précisions suivantes quant à l’ouvrage et je ne peux résister à la tentation de vous remettre ici ce petit texte pince-sans-rire tellement il me semble un sommet d’humour noir involontaire :
« Ethique et entreprises - Lancement du cycle sur le développement durable, animé par Pierre Delaporte, au siège de la Société Bouygues
Cet ouvrage, co-signé par vingt et un grands chefs d'entreprise, a été réalisé par Teddy Follenfant, conseiller en environnement, et Pierre Delaporte, président d'Espaces pour demain, dans la perspective du sommet de Johannesburg. Pourquoi 21 ? C’est le 21 e siècle, c’est l'Agenda 21 élaboré à Rio pour préparer Johannesburg …
Nombreux étaient les chefs d'entreprise présents en Afrique du Sud pour la présentation de cette publication, présentation qui eut lieu en présence de Jacques Chirac et de Kofi Annan. L'ouvrage se vend très bien (merci à Claire Chazal qui en fait la publicité, à la Fnac et au Furet du Nord) le nombre des tirés à part atteint un niveau extravagant … Total en aurait commandé 92.000. Parmi les 21 auteurs certains ont pris la parole, notamment Gérard Mestrallet, Daniel Lebègue, Jean-Paul Bailly. »
Culture de la canne à sucre, Antilles anglaises, 1840
[c’est moi qui souligne, en majuscules]
- « La prise en compte des impératifs d’ordre sociétal n’est pas une fantaisie, un phénomène de mode ou une sensibilité personnelle du président. C’est une façon de SERVIR LES INTERETS A LONG TERME DE L’ENTREPRISE » (Suez)
- « Ce n’est pas de la philanthropie : il s’agit de trouver une nouvelle manière d’appréhender chaque aspect de nos activités, dans un double but, aussi bien social que commercial. Ce qui, à terme, sera POSITIF POUR NOS ACTIVITES » (Accor)
- « L’obsession du profit et du cours de l’action ne créent pas de valeur ajoutée, tandis que les entreprises qui se consacrent sérieusement à leur métier connaissent une progression normale (...) Il n’est PAS POSSIBLE DE FAIRE DU PROFIT SANS développement durable » (Colas)
- « Dans la mise en oeuvre du développement durable, nous voyons un facteur D’AMELIORATION DES PERFORMANCES » (Totalfinaelf)
- « Trouver le juste équilibre pour bien rémunérer les collaborateurs et les actionnaires, tout en préparant LES BENEFICES A VENIR » (Accor)
- « Le fait d’être une entreprise qui se comporte bien est un ATOUT » (Lafarge)
- « Nous avons presque UN AVANTAGE DE MARCHE à jouer la carte du développement durable » (LVMH)
- « Notre engagement sur les chemins du développement durable engendrera des opportunités qui BENEFICIERONT A NOS ACTIONNAIRES auxquels nous devons assurer une rentabilité attractive » (Totalfinaelf)
- « Ces normes nous coûtent de l’argent, mais cela est un « PLUS » pour notre image » (Ciments Français)
Alluvions auriferes - Congo belge 1908
- « Les accidents du travail coûtent très cher aux établissements. Quand on les réduit à zéro, cela représente non seulement un progrès social et humain considérable, mais aussi UNE ECONOMIE » (Colas)
- « On a considéré dans le groupe que les accidents de chantier n’étaient PLUS admissibles et qu’il n’y avait pas de fatalité en la matière » (Colas)
- « Outil de management interne TRES UTILE (...) Cette notion de développement durable peut nous aider à aborder le thème de la conflictualité (...) faire passer (...) d’une culture de conflit à une culture du COMPROMIS » (SNCF)
- « Il faut que l’on crée des conditions pour que notre personnel soit motivé » (Arcelor)
- « L’important était que chacun s’approprie ces messages. Le développement durable est une composante à part entière de notre culture d’entreprise (...) Il n’y a PAS BESOIN D'UN TRES GROS EFFORT de sensibilisation pour qu’il y ait un bon niveau d’adhésion » (Totalfinaelf)
- « Pouvoir améliorer la qualité de vie des plus démunis tout en favorisant l’émergence de NOUVEAUX MARCHES » (Suez, Evian).
- « MAINTENANT, on arrive à fournir une aide MINIMALE qui permet à ces populations de SURVIVRE mais si ce partage reste aussi limité dans le temps, nous ne pourrons empêcher les flux de migration vers nos pays, ET L’EXPLOSION SERA FATALE » (ADP)
- « Une entreprise ne peut pas être un îlot de prospérité dans un océan de pauvreté. Sinon les tensions qui se créent génèrent des LUTTES DESTRUCTRICES » (GDF)
Esclaves employés à l'extraction des diamants,
Minas Gerais, Brésil, 1812.
- « L’enjeu consiste donc à DEVELOPPER LA DEMANDE au travers de la satisfaction de réflexes « plaisir » et, pourquoi pas ? de réflexes BONNE CONSCIENCE » (Monoprix)
- « Il faut redoubler de vigilance et faire face à ses responsabilités pour conserver le capital de confiance acquis » (Accor)
- « Il faut arrêter de diaboliser l’association marketing et développement durable (...) mettre le marketing au service d’une « marque éthique ». Les outils efficaces du marketing et de la communication doivent être mis au service de la « vulgarisation » d’un concept encore trop souvent méconnu (...) Donner envie, c’est pour moi la clé de la réussite indispensable au déploiement de ce formidable projet d’avenir » (Monoprix)
- « Les fonds éthiques ont tous probablement à la fois une vision marchande (parce que c’est aussi un fonds de commerce qu’ils développent) et une vision éthique. [...] » (Arcelor)
- « Il n’y a qu’une planète, dont nous sommes tous collectivement responsables » (Areva)
- « Le développement durable repose sur une prise de conscience que nous sommes sur la même planète, avec des problèmes qui nous concernent tous » (Ciments Français)
- « Il nous RESTE SIMPLEMENT à mettre ces bienfaits techniques au service de la planète » (Air France)
- « Le développement durable, c’est ce qui nous permet de faire notre métier SANS AVOIR MAUVAISE CONSCIENCE par rapport à l’avenir de l’humanité et des générations futures » (Lafarge)
- « La mondialisation CHANGERAIT ainsi de nature et de dimension. Au fond, elle se RAPPROCHERAIT des hommes, de leur vie, de leurs préoccupations » (LVMH).
- « On DEVRAIT accompagner ces implantations (les délocalisations) d’efforts d’éducation, de formation et d’exigence sur le plan du comportement social de ces pays » (Publicis)
- « Assurer, partout dans le monde, des niveaux de salaire très compétitifs à nos employés et les conditions de travail les plus agréables POSSIBLES, c’est sans doute une façon de contribuer au progrès » (L’Oréal).
Un appel aux armes à Tananarive, Madagascar 1895
- « Ne pas prendre en compte les impératifs de développement durable, c’est s’exposer à des CRISES SOCIALES et environnementales graves » (Suez).
- « L’islamisme radical n’est au fond que la traduction de la désespérance d’un certain nombre de citoyens du monde (...) L’inégalité du développement est à mon avis un sujet trop peu pris en compte DANS LE PASSE » (EDF).
- « Le développement durable qui pour moi , avec la liberté, est une des rares causes qui méritent une campagne mondiale, un effort de tous et de chacun (...) Je pense sincèrement qu’il s’agit de la plus belle cause que l’on puisse défendre » (Publicis)
- « Après un CERTAIN NOMBRE de comportements anarchiques, les industriels se sont trouvés les premiers à être dans l’oeil du cyclone d’une prise de conscience collective » (Ciments français)
- « Arrêtons de parler service public versus libéralisation ! » (EDF)
- « Dans un monde où les changements s’accélèrent, ou la pression sur les résultats s’accentue, les entreprises ont besoin pour durer de références communes fortes » (Danone).
- « Pour nous le développement durable fait partie de l’âme de l’entreprise »(Arcelor)
- « Ce n’est pas par hasard que ce concept émerge à notre époque. Il correspond à nos préoccupations actuelles (...) Il s’agit de réconcilier l’homme avec la planète » (Colas)
- « En 1995, on a demandé aux chefs d’entreprise si une société pouvait être citoyenne, et la réponse a été unanime : non ! ...Maintenant, posez la même question, et vous aurez 98 % de réponses positives » (Monoprix)
William Anastasi: Raw
Quand le capitalisme, dans sa folie, cherche à repousser encore un peu l’échéance et à faire ses derniers profits, avant liquidation.
[...]
Développement durable? Destruction programmée de la planète.
Développement durable? Destruction programmée de la planète.
4 commentaires:
Pas d’accord,
Sur l’interprétation .
Développement durable ne rime pas avec économie capitaliste ;
Que cette perspective inquiète les grandes multinationales est plutôt rassurante ;
C’est dire que les dirigeants en mesurent toute la portée ;
Tous les arguments pour tenter de rendre compatibles capitalisme et développement durable montrent bien à quel point ils ne le sont pas ;
c’est un aveu d’inquiétude du système face à la menace de l’émergence d’une économie solidaire ;
d’où l’idée de s’approprier quelques éléments d’ éthique sociale pour écarter la menace extérieure ,tout en se rassurant par l’ analyse des avantages économiques potentiels ;
L’argumentaire est affligeant ,
l’opportunisme de ce système à retourner toute situation à son avantage est à l’image de ce système capitaliste ;
mais c’est l’objet du livre , non ?
une histoire de mecs qui parlent gros sous ,
et rien d’autre.
Avec un peu de chances , la décroissance sera le prochain thème retenu …
Mais dans ce que tu nous donnes à lire , on n’est pas dans le cadre d’un débat sur le développement durable ;
Et cette idée fait son chemin dans d’entre lieux, avec de multiples facettes et des applications accessibles au plus grand nombre d’individus,
le fait qu’elle inquiète les puissants de ce monde est en soi plutôt rassurant ;
C’est quand même la preuve que le monde est en marche …
« Développement durable? Destruction programmée de la planète »
Peut-être bien , s’il se laisse engloutir par le capitalisme en détruisant l’idée d’une économie solidaire ;
Mais laissons lui une chance ,à ce développement durable ;
Juste une chance ,
Pour nos enfants.
Grain de sel
Oui, sauf que ces gens ne sont quand même pas n’importe qui. Ce ne sont pas trois types qui discutent accoudés au comptoir du coin, ce sont les décideurs économiques, ceux qui ont vraiment du poids dans les orientations économiques qui sont prises. Je trouve qu’Aliz a raison d’insister. Et puis le DD n’est qu’un de leurs secteurs d’activité, c’est l’écran de fumée (le détournement dont tu parles). Ainsi, tel cimentier peut défigurer une région entière et financer un projet associatif à l’autre bout de la planète, tel autre industriel contaminer un fleuve et ouvrir à côté un dispensaire pour que les gens aillent se faire soigner des trucs qu’ils ont chopés, avec un peu de chance… On le met en avant sur la brochure ou le spot et hop, le tour est joué. C’est dégueulasse. Je répète que ces groupes sont "ceux qui comptent", tout le reste, des micro-projets ici où là, quelques poches de résistance, semble bien dérisoire en regard de ce pouvoir. Ce qui ne veut pas dire qu'il faille baisser les bras, au contraire. Et sinon il reste l'humanitaire...
Je ne suis pas convaincue ;
Tu – vous- semblez vouloir nous inciter à penser que le DD n'est que le moyen de faire cohabiter une économie capitaliste qui maintiendrait la croissance et une idée en vogue qui est celle de l'avenir de la planète ;
Opposer de manière radicale le développement durable à la décroissance et "être obligé" à faire le choix de l'un ou de l'autre, c'est écarter l’idée que les choses puissent évoluer en plusieurs étapes ;
Ces deux concepts ont les mêmes fondements à mon sens et ont des valeurs communes ( ce qui n’exclue pas l’utilisation usurpée de certaines de ces valeurs, ce dont parle Aliz )
- l’environnement : on ne peut quand même sous-estimer le bienfondé de cet objectif …
- l’économie
On parle d’économie solidaire , d’économie durable ou positive ; de redistribution des richesses , de lutte contre la pauvreté et des inégalités à l’échelon mondial ;
Bien sûr que le développement n’est pas pensé en terme de décroissance , mais plutôt en terme de croissance réfléchie, maîtrisée en y intégrant les données des pays en voie de développement ;
La grande différence , est aussi dans la faisabilité ;
L’un est de l’ordre du possible qui passe par la prise de conscience de la situation alarmante de notre planète et des propositions concrètes , avec à la clé une modification des comportements individuels et des choix collectifs à faire ;
Le développement durable, c’est aussi repenser la croissance en terme de qualité avec d’autres instruments pour la mesurer que celle de la toute puissante économie ;
Et là, l'opinion publique y est sensible, les gens commencent à bouger ;
La décroissance a ,pour sa part, une connotation négative ;
Je ne pense pas que l'on y soit prêts;
peut-être , l'étape pochaine ?
Mais dans les deux cas, on va dans le bon sens,
c'est encore mon idée à ce jour ...
Grain de sel
"Avec un peu de chances , la décroissance sera le prochain thème retenu …"
Ahaha! Effectivement, c'est bien l'une des caractéristiques du capitalisme avancé que d'avoir appris à absorber, intégrer et retourner jusqu'aux contre-propositions qui pourraient gêner son expansion sur tous les fronts, même (et surtout) quand ce sont des notions à première vue absolument antagoniques à ses orientations (maximum rendement-profit vs. décroissance dans ce cas). Tu as tout à fait raison, la décroissance pourrait bien, après le DD, être le prochain leitmotiv. Du reste, on en parle déjà tellement que cela n'augure rien de bon.
Mézalors, GDS, si tu peux être aussi lucide, comment peux-tu croire aux mirages du DD? Je sais que tu as lu l'argumentaire des patrons avec attention, tout le monde est pour le DD aujourd'hui, Chirac en a été l'un des promoteurs les plus visibles ces dernières années, cela ne suffit pas? Bien sûr, il est angoissant de se dire que c'est le DD ou rien, le crash complet, mais c'est justement ce que l'on veut nous faire accroire! C'est justement sur cela que misent les décideurs: adhérez immédiatement au DD, sinon c'est la fin, il n'y a aps d'autre alternative etc. etc. Eh bien si! il y a d'autres solutions, c'est ce qu'il faut dire et répéter. Je te renvoie sur le lien "décroissance info" qu'Edgar a placé dans la liste. Ça n'est pas un catéchisme, il faut toujours rester critique, mais il y a là quelques pistes à creuser... et vite!
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