27 mai 2007

Fourier, suite

Je poursuis.


Stendhal, qui s’y connaissait en matière de reconnaissance tardive, a dit du penseur, qu’il admirait : « On ne lui accordera que dans vingt années son rang de rêveur sublime » (Mémoires d'un touriste, 1838). De fait, on l’a vu, il aura attendu bien plus longtemps ! Aucun hasard là-dedans, mais bien plutôt un escamotage programmé : par son disciple et principal exécuteur testamentaire tout d’abord, Victor Considérant, qui dans les éditions posthumes fera scrupuleusement le tri, en supprimant notamment tous les passages sur l’amour libre, ce que ne manqueront pas de faire à sa suite les membres de l’Ecole sociétaire, qui garderont pendant longtemps la mainmise sur ses écrits. Il suffira qu’un peu de malchance vienne couronner le tout, avec des manuscrits disparus, des cahiers rongés par les souris, etc. Dans son excellente Vie de Charles Fourier (Denoël/Gonthier, Paris, 1978), Emile Lehouck écrit :

« Son anticonformisme n’allait pas seulement à l’encontre de la morale, il niait également les valeurs de la science moderne : la notion de progrès et les grands principes de la recherche positiviste. Alors que la civilisation bourgeoise affûtait ses armes pour se lancer dans son programme de conquête de la nature, Fourier, fidèle à la tradition ésotérique, concevait la science comme une étude des rapports visibles ou secrets de l’homme avec cette même nature, rapports considérés en termes d’union et non de conflit. Cette vision d’un monde réconcilié, si contraire à notre obsession des prouesses techniques, a été appelée utopie et tournée en ridicule. Cependant aujourd’hui que le formidable déploiement scientifique ne nous offre plus comme perspective d’avenir que l’holocauste atomique, l’empoisonnement de la planète ou encore la famine généralisée, on commence à comprendre que l’esclavage auquel l’homme prétendait soumettre la nature signifiait en définitive son propre esclavage. Marcuse corrige Marx et on en revient à Fourier. »

Il y a pas mal d’endroits sur le net où l’on parle de Fourier. En bouquins, outre l’essai biographique de Lehouck et la synthèse aux PUF déjà cités, je recommande Charles Fourier : vers la liberté en amour, Gallimard, coll. Idées, 1975, avec une très bonne présentation de Daniel Guérin. A dénicher en occase car épuisé et non réédité, il me semble.

Voilà, c’est tout pour aujourd’hui. Je m’en vais faire un tour du côté de la Place de Clichy prendre quelques photos du socle de la statue disparue de Fourier dont je raconterai l’histoire (connue, mais quand même, pas tant que ça) la prochaine fois…

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DE CES NOTES PRISES DANS LES MARGES DES LIVRES ET D'AUTRES CHOSES ENCORE...